Menu
Newsletter
logo réciprocité
Merci ! Votre message a été envoyé avec succès.

Aidez-nous à lancer la 1ère revue dédiée à l’habitat Intergénérationnel

Donner la parole aux experts et acteurs de terrain pour comprendre et agir en faveur de l'interG En savoir plus ...

Réciprocité, une nouvelle conception du vivre-ensemble, crée un lien social et intergénérationnel dans le cadre de l'habitat social sur Lyon, Nantes, Marseille et Paris

Réciprocité - Réciprocité - Les immeubles coopératifs : ce petit suppélment d'âme qui fait toute la différence

Les immeubles coopératifs : ce petit suppélment d'âme qui fait toute la différence

26.06.2024 architecture
L'article

L'article

Propos recueillis par Catherine Giraud - Photos Olivier Chamard Photography et Muktee

Rencontre avec Daniela Liengme et Laura Mechkat, architectes à Genève.
Deux femmes solaires, vivement recommandées par La CODHA (Coopérative de l’Habitat Associatif) pour leur contribution à de nombreux projets extrêmement volontaristes en matière d’habitat inclusif à Genève, entre autres.

Retour sur des échanges aussi passionnés que passionnants…et sur une aventure née il y a 30 ans !

« Nous nous sommes rencontrées en 1993, en première année d’école d’architecture. Lors de la réalisation de notre projet de fin d’études, nous avions toutes deux à coeur de traiter le sujet du logement évolutif et tous les thèmes qui lui sont associés : modification de la structure des ménages, vieillissement, précarité…C’était en 1999, et ce projet, visionnaire à l’époque, est toujours une source d’inspiration pour nous aujourd’hui. Il est plus que jamais d’actualité ».

Puis chacune suit son chemin professionnel. Daniela s’inscrit à la CODHA en 1999. Membre non logée, elle fait partie de ces architectes pionniers, curieux de participer à cette aventure collective, cette façon de vivre, d’habiter… d’un genre nouveau, et ô combien vivifiant. Quelques années plus tard, Laura et Daniela se retrouvent et gagnent un premier concours initié par la CODHA et la Fondation Ensemble qui prend en charge les personnes souffrant de handicap mental.

Ce projet d’habitat inclusif sur un terrain communal, autour d’une maison de maître qui abrite la Fondation Ensemble, durera 10 ans et signera le début et l’essence de leur collaboration. Puis les projets s'enchaînent, notamment dans l’éco-quartier des Vergers à Meyrin (Suisse) en 2013, avec la Coopérative participative Équilibre (trois immeubles de logements) et la Fondation Nouveau Meyrin (quatre immeubles de logements).

« Nous gagnons ces deux concours à quelques semaines d’intervalle, et là, nous réalisons à quel point, construire avec les habitants fait toute la différence ! Dans les immeubles coopératifs, les espaces sont ouverts ; il y a de la vie, et l’architecture s’adapte à la demande.
Quand nous retournons à Meyrin, à la Coopérative Équilibre, nous connaissons la plupart des habitants et nous pouvons échanger avec eux sur leur logement. Ce qui n’est pas le cas dans des logements que nous avons créés sans la participation des habitants.
»

Repenser l’habitat pour toutes les générations

« Un autre projet du même type nous anime : il s’agit d’imaginer quel devrait être le nouvel ordinaire de l’habitat pour répondre aux besoins de toutes les générations. En effet, tous les quatre ans, la Confédération Helvétique lance un appel à projets modèle sur de nombreux sujets : transport, logement, environnement, agriculture, etc. Nous avons candidaté au sein d’une équipe pluridisciplinaire, pour les années 2020-2024, et nous avons été retenus avec pour objectif de repenser l’habitat de demain pour les quatre générations (des baby boomers jusqu’à la gen Z en passant par la génération X et les Millenials). »

Contrairement aux autres candidats, la volonté de Laura et Daniela, n’a pas été de partir d’un projet concret, mais plutôt de proposer une concertation ; tâche rendue possible par l’intervention du Forum Grosselin, expérimenté dans les chantiers participatifs. Réfléchir aux besoins de la personne la plus vulnérable représente une plus-value d’usage pour tous les usagers. C’est vrai, par exemple dans le transport.

« Nous avons réalisé que c’est la même chose dans l’habitat, à plus forte raison en période de crise climatique, sanitaire sans précédent, à un moment où personne ne sait comment on vivra dans vingt ans. L’habitat doit être plus inclusif, plus résilient et faciliter la solidarité ; nous en sommes convaincues. »


Les espaces intermédiaires comme facilitateur du lien social

« Hormis la conception de l’appartement, ce qui nous semble important, ce sont tous les lieux intermédiaires. Il y a les communs bien sûr (salle à manger, jardin, lieux de convivialité), il y a aussi les halls, les cages d’escalier, les paliers…Tous ces espaces sont de potentiels lieux de rencontre. Il est important que l’on s’y sente bien pour que les habitants aient plaisir à y rester.

À l’inverse de ce qui se faisait dans les années 70/80, ils sont conçus comme des espaces de vie généreux, bien éclairés et offrant une certaine domesticité. Ils sont parfois revêtus de parquet pour être perçus comme le prolongement de chez soi. Selon comment ils sont pensés, ces lieux de rencontre font aussi office de seuils de transition douce entre le collectif et le privé.

Sur ce projet, nous avons collaboré avec une coloriste, Geneviève Héritier, avec qui nous avons réfléchi sur les besoins émotionnels dans l’architecture « Comment on veut être accueilli chez soi ?
».


Les coopératives, lieux d’expérimentation

« Nous avons la chance de travailler ces espaces dans le cadre de processus participatifs portés par les coopératives, d’en faire des espaces confortables, et bien que la conjoncture ne s’y prête pas, il nous paraît essentiel de les conserver et qu’ils représentent un espace non négligeable de l’immeuble pour privilégier la rencontre. Il faut toutefois garder à l’esprit que plus il y a de collectif, plus le besoin d’intimité est fort. 

Les salles communes, les tiers-lieux pourraient être, notamment pour les séniors, une extension de leur appartement qui resterait, lui, du domaine du privé, un lieu où recevoir l’infirmière, le kiné, etc. Pour autant, mettre le lieu à disposition ne suffit pas. Il nous semble indispensable d’accompagner dans l’usage ces lieux, à l’image de ce que fait Récipro-Cité avec le Gestionnaire-Animateur ou à l’image des facilitateurs mis en place dans certains nouveaux quartiers à Genève, et financés par les bailleurs qui le souhaitent.

Ils mettent un liant indispensable, ils peuvent désamorcer d’éventuels conflits, et ils sont là pour prendre soin des habitants. »


Changer le regard de la société

« Le regard que nous portons sur le vieillissement, sur la mort, peut aussi évoluer, afin que nous fassions du vieillissement une opportunité pour mieux réfléchir à l’accompagnement de nos aînés, dès aujourd’hui, sachant que ce sera valable pour nous demain. 

Notre société peut ainsi inverser sa façon de voir les choses. Et faire du changement climatique, de la crise sanitaire, des opportunités pour mieux bâtir l’intergénérationnel, mieux accueillir nos aînés.

Ce changement de regard permettrait de lutter contre l’isolement des aînés, de leur donner de nouveaux rôles qui tiennent compte de cette vulnérabilité, mais aussi de toute la richesse de leur vécu qu’ils ne demandent qu’à parter ; de leur redonner une utilité sociale, en fonction de leur savoir-faire ou de leurs envie ; dans une culture du don, et du contre-don. »

 « Ce qui nous tient à coeur, c’est de travailler sur des projets qui correspondent à nos valeurs. C’est ce qui donne un sens à notre profession d’architecte. »

« Ces projets participatifs, comme le projet CODHA/Fondation Ensemble ou encore le projet Équilibre dans l’écoquartier des Vergers, nous les avons réalisés avec le coeur. Ils ont contribué à faire ce que nous sommes et nous espérons qu’il y en aura d’autres à venir.

Ce qui compte, c’est autant le résultat architectural, que la démarche et l’expérience humaine qui permettent de créer ces liens, ces échanges, cette qualité d’intelligence humaine et collective. Ces projets collectifs - car on vient nous chercher pour ça - nous donnent une force de vie incroyable ! Face au monde qui vient et qui peut nous inquiéter, toutes ces petites initiatives peuvent développer un type de liens précieux, qui donnent espoir, et qui pourront, demain, faire toute la différence. »


--

5 compétences clés pour traiter l’intergénérationnel
Ce sont des compétences transversales, très larges :

· Une sensibilité particulière pour les usagers, pour l’humain, pour la relation
· Une certaine forme d’empathie pour imaginer la vie de l’autre,les besoins de l’autre
· L’humilité
· Une certaine forme d’écoute
· Travailler avec le coeur